LES COULEURS DU GRIS

Cette collection, inspirée de l’hémicycle de l’ONU, renvoie aux formes de représentations protocolaires et, notamment, au rôle même de la couleur dans son expression. Au milieu d’une majorité d’uniformes, le classique costume politique occidental foncé, se détache une forme d’excentricité, un personnage « haut en couleurs ». C’est bien la couleur qui permet à ces personnes de s’exprimer de manière cérémoniale. La couleur est puissante. Primaire, elle devient symbolique, et les looks défilent, faisant apparaître des compositions ressemblant à une succession de drapeaux.

J’ai travaillé autour du tailleur en le confrontant à ces ressources visuelles, mais à contre-pied de l’uniformisation qui accompagne la mondialisation. Le but étant de créer un vestiaire de protocole qui, tel un personnage en cérémonie, s’habille sans complexe ni norme.

Concrètement, je suis reparti de mon travail de Master 1 qui est, d’une part, une nouvelle forme de mise en volume à partir de patrons à plat, et d’autre part, une manière de contourner une réalité déjà connue en fendant ou en ne gardant que le cadre d’un vêtement. On part d’une base connue, il n’y a pas d’ajouts inutiles.

J’essaie d’apporter un nouveau regard sur ce que peut être un vêtement dans son approche classique, sans modification volumétrique, mais plutôt une approche de la mise en 3D du patron (exemple : veste marron). La doublure révélée complète la pièce, enrichissant cette nouvelle vision du vêtement.

On vient donc montrer ce que l’on ne veut habituellement pas voir. L’utilisation du bord franc vient souligner la structure du vêtement que l’on expose (à l’instar du centre Pompidou de Renzo Piano) : l’intérieur s’extériorise et devient la singularité de la pièce.

L’originalité ne découle donc pas d’une forme nouvelle, mais plutôt d’une approche simple, d’une exposition du vêtement « sous toutes ses coutures ».

J’ai privilégié l’usage de matières avec une tenue quasi sculpturale. Des tissus s’approchant du papier (pièces en moire contrecollé, glaçages, etc.) me permettent d’obtenir des volumes nets et construits.

Mon vêtement cherche à traduire mon intérêt pour révéler la globalité des choses qui le composent : assumer des finitions qui semblent ne pas en être (bord franc) ; révéler une approche nouvelle juste par évocation d’une forme, mise en volume par des coutures qui viennent, comme un cylindre, déformer l’approche du volume (doublures trop grandes, volumes en « boîtes », doublures qui complètent). Le but n’est pas de faire du beau, mais plutôt de montrer une recherche sur la base, jusqu’à une simplification radicale (fentes) et vers une simplicité nouvelle : un trou par lequel la doublure ressort pour déformer l’approche que l’on peut en avoir.

J’ai cherché une beauté qui viendrait du travail créatif lui-même, du jeu de formes et contre-formes, de l’usage de couleurs franches, primaires. Les couleurs sont messagères de nationalité, elles sont ludiques, associées à l’âge de l’innocence, mais aussi au pouvoir, à un protocole.